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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/46

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Tant mieux, dit Charras.

— Vous m’avez l’air d’un bon b…!

— On ne laisse pas sa part aux chiens.

— Voulez-vous être mon aide de camp ?

— Je crois bien, je viens pour cela !

— Alors, c’est dit.

Et il tendit la main au jeune homme.

— Maintenant, reprit-il, voulez-vous manger un morceau ?

— Je ne demande pas mieux, je crève de faim.

— Passez dans la salle à manger… Madame Pajol ! madame Pajol !

La femme du général entra.

— Fais-moi bien déjeuner ce gaillard-là… Il vient de m’offrir ses services comme aide de camp ; il ne se doute pas de la besogne que je lui taille.

Charras s’attabla, mit les bouchées doubles, les gorgées triples, et fut prêt au bout de dix minutes.

— Allons, en route ! dit le général.

On descendit, on sauta en selle, et, du milieu de la cour, où attendaient trois ou quatre personnes, le général partit au galop, tournant court à l’angle de la porte cochère, et faisant changer de pied à son cheval en cavalier consommé.

Charras, excellent cavalier lui-même, subit victorieusement cette première épreuve.

Mais le cheval d’un second élève de l’École, forcé de prendre le trottoir, s’abattit sur la main gauche.

C’était devant la boutique d’un pharmacien ; l’élève et le cheval disparurent dans la boutique, dont ils enfoncèrent la devanture.

L’accident ne valait pas la peine qu’on s’en occupât. On continua le chemin sans même détourner la tête.

Arrivé à la barrière de Passy, le général prit le commandement de la colonne.

Notre fiacre était un des premiers après l’état-major du général. Cet état-major se composait de Jacqueminot, de Charras, de Charles Ledru, d’Higonnet, et de M. de Lagrange, de Vernon et de Bernadou.