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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/69

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ces génies qui viennent prendre part au dénoûment des drames fantastiques.

Mais, tout en éveillant mon enthousiasme, vers de Barbier ou même vers d’Hugo ne pouvaient éveiller mon émulation ; je me sentais tombé dans une si grande défaillance à l’endroit de la poésie ou de la prose, que je compris qu’il fallait laisser le temps à la secousse politique de s’éteindre en moi.

J’eusse voulu pouvoir rendre un service quelconque à la France ; je n’admettais pas que tout fût fini ; il me semblait qu’il y avait encore, dans tel coin de ce grand royaume, quelque chose à faire, et qu’un si puissant orage ne pouvait pas s’être ainsi calmé tout à coup. Enfin, j’avais le dégoût, je dirai presque la honte de ce qui se tripotait à Paris.

Pendant deux ou trois jours, je cherchai ce que je pouvais faire en dehors de ma vie habituelle, en dehors de mon passé, en dehors de mon avenir ; j’aurais pu rentrer au Palais-Royal, demander une mission quelconque, me faire envoyer en Prusse, en Russie, en Espagne : je ne voulus point ; j’avais juré de n’y pas rentrer, de ma propre volonté du moins.

Je tournai les yeux vers la Vendée.

Il y avait peut-être quelque chose à faire de ce côté-là.

À Saint-Cloud, Charles X avait eu un moment d’hésitation ; M. de Vitrolles lui avait parlé de la Vendée, et peu s’en était fallu qu’il ne s’y jetât.

À Trianon, M. de Guernon-Ranville avait été d’avis qu’un seul parti restait à prendre au roi : celui de se retirer à Tours, d’y convoquer les deux Chambres, les généraux, les hauts fonctionnaires publics, les grands dignitaires du royaume.

Sans doute, Charles X avait repoussé tout cela ; sans doute, Charles X allait gagner Cherbourg, et s’embarquer pour l’Angleterre, abattu et consterné ; mais, si l’ombre des victimes de Quiberon lui interdisait la Vendée, à lui, la Vendée était ouverte aux autres membres de sa famille.

Il me semblait qu’il fallait réagir d’avance contre une future Vendée ; que ce serait prudent, que ce serait politique, que ce serait humain.