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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/76

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Puis il prit un papier, une plume et écrivit :

« M. Alexandre Dumas est autorisé à parcourir, comme envoyé spécial, les départements de la Vendée, de la Loire-Inférieure, du Morbihan et de Maine-et-Loire, et à s’entendre, dans ces différents départements, avec les autorités locales pour la formation d’une garde nationale.

» Nous recommandons M. Alexandre Dumas, excellent patriote de Paris, à nos frères les patriotes de l’Ouest.

» Salut et fraternité.
» La Fayette.
» Ce 6 août 1830. »

Il me passa le papier ; c’était ma commission.

— M’autorisez-vous à porter un uniforme quelconque, général ? lui demandai-je après avoir lu.

— Sans doute, me répondit-il ; faites-vous faire quelque chose qui ressemble à un uniforme d’aide de camp.

— Bien.

— Seulement, vous comprenez, je vous préviens qu’un uniforme est l’habit le moins sûr que vous puissiez adopter pour parcourir la Vendée ; il y a beaucoup de haies, pas mal de chemins creux, surtout dans le Bocage, et un coup de fusil est bientôt lâché !

— Bah ! général, quand nous en serons là, nous verrons.

— Soit, c’est dit… Vous partez ?…

— Le temps de faire faire un uniforme, général.

— Et vous correspondrez directement avec moi.

— Pardieu !

— Allez, et bon voyage ! Il faut que je me rende à la Chambre.

Il m’embrassa, et je pris congé de lui.

J’ai revu bien souvent, depuis, ce digne, ce noble, cet excellent vieillard. On le retrouvera chez moi, un soir de folie, dans un bal d’artistes, costumé lui-même, et jouant à l’écarté avec Beauchesne, vêtu du costume de Charette, lequel faisait son enjeu, en vrai Vendéen qu’il était, avec des louis à l’effigie d’Henri V.