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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/120

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CC


Sous quelle inspiration je fis Antony. — La préface. — Où est la morale de la pièce. — Le cocuage, l’adultère et le code civil. — Quem nuptiæ demonstrant. — Pourquoi les critiques ont crié à l’immoralité sur mon drame. — Un compte rendu des moins malveillants. — Comme quoi les préjugés sur la bâtardise sont vaincus.

Antony a donné lieu à de telles controverses, que je demande la permission de ne pas l’abandonner ainsi ; d’ailleurs, non-seulement c’est mon œuvre la plus originale, mon œuvre la plus personnelle, mais encore c’est une de ces œuvres rares qui ont une influence sur leur époque.

Quand je fis Antony, j’étais amoureux d’une femme qui était loin d’être belle, mais dont j’étais horriblement jaloux : jaloux parce qu’elle se trouvait dans la position d’Adèle, qu’elle avait son mari officier dans l’armée, et que la jalousie la plus féroce que l’on puisse éprouver est celle qu’inspire un mari, attendu qu’il n’y a pas de querelle à chercher à une femme en puissance de mari, si jaloux que l’on soit de ce mari.

Un jour, elle reçut du sien une lettre qui annonçait son retour. Je faillis devenir fou.

J’allai trouver un de mes amis employé au ministère de la guerre ; trois fois le congé, prêt à être envoyé, disparut, déchiré ou brûlé par lui.

Le mari ne vint pas.

Ce que je souffris pendant cette période d’attente, je n’essayerai pas de le dire au bout de vingt-quatre ans, maintenant que cet amour s’en est allé où s’en vont les vieilles lunes du poëte Villon. Mais lisez Antony : ce que j’ai souffert, c’est Antony qui vous le racontera.

Antony n’est point un drame, Antony n’est point une tragédie, Antony n’est point une pièce de théâtre. Antony est une scène d’amour, de jalousie, de colère en cinq actes.