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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/121

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


Antony, c’était moi, moins l’assassinat. Adèle, c’était elle, moins la fuite.

Aussi pris-je pour épigraphe ces mots de Byron : Ils ont dit que Childe Harold, c’était moi… Peu m’importe !

Aussi mis-je en préface ces vers ; — ils ne sont pas bons, je pourrais les rendre meilleurs : je n’en ferai rien ; ils perdraient leur caractère. Tels qu’ils sont, ils peignent assez bien deux choses : l’époque fiévreuse pendant laquelle ils furent faits, l’état désordonné de mon cœur au moment où je les fis.

Les voici :

Que de fois tu m’as dit, aux heures du délire,
Quand mon front tout à coup, devenait soucieux :
« Sur ta bouche pourquoi cet effrayant sourire ?
Pourquoi ces larmes dans tes yeux ? »

Pourquoi ? C’est que mon cœur, au milieu des délices,
D’un souvenir jaloux constamment oppressé,
Froid au bonheur présent, va chercher ses supplices
Dans l’avenir et le passé !

Jusque dans tes baisers je retrouve des peines.
Tu m’accables d’amour !… L’amour, je m’en souviens,
Pour la première fois s’est glissé dans tes veines
Sous d’autres baisers que les miens !

Du feu des voluptés vainement tu m’enivres !
Combien, pour un beau jour, de tristes lendemains !
Ces charmes qu’à mes mains, en palpitant, tu livres,
Palpiteront sous d’autres mains !

Et je ne pourrai pas, dans ma fureur jalouse,
De l’infidélité te réserver le prix ;
Quelques mots à l’autel t’ont faite son épouse,
Et te sauvent de mon mépris.

Car ces mots pour toujours, ont vendu tes caresses ;
L’amour ne les doit plus donner ni recevoir :
L’usage des époux a réglé les tendresses,
Et leurs baisers sont un devoir.