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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/135

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

au descendant de Louis XIV, pour qu’il empêche les hérétiques, les corrupteurs, les hommes abominables du xixe siècle d’être joués, s’agenouillent devant l’illustre mort ; ils vont chercher dans ses œuvres les moindres intentions qu’il a eues, ou qu’il n’a pas eues ; ils s’enquièrent de ce qui a pu, par un de ces hasards que le génie rencontre seul, lui donner telle ou telle idée ; ils font même de profondes recherches et sur l’homme qui a fourni le type de Tartufe, et sur la circonstance qui lui a donné ce nom de Tartufe, si bien approprié au personnage, qu’il est devenu non-seulement un nom d’homme, mais encore un nom d’hommes.

« Nous avons indiqué où Molière a pris son modèle ; il nous reste, maintenant, à indiquer le titre de sa pièce. Cette généalogie d’un mot pourrait paraître minutieuse en toute autre occasion ; mais rien de ce qui concerne le chef-d’œuvre de notre scène ne saurait manquer d’intérêt. Quelques commentateurs, entre autres Bret, ont prétendu que Molière, plein de l’ouvrage qu’il méditait, se trouvait un jour chez le nonce du pape avec plusieurs saintes personnes. Un marchand de truffes s’y présenta, et le parfum de sa marchandise vint animer la physionomie béate et contrite des courtisans de l’envoyé de Rome. « Tartufoli, signor nunzio ! tartufoli ! » s’écriaient-ils en lui présentant les plus belles. Suivant cette version, c’est ce mot tartufoli, prononcé avec une sensualité toute mondaine par ces bouches mystiques, qui aurait fourni à Molière le nom de son imposteur. Le premier, nous avons combattu cette fable, et l’honneur que nous a fait un de nos littérateurs les plus distingués en adoptant notre opinion nous engage à la reproduire ici.
» On disait généralement encore, du temps de Molière, truffer pour tromper, dont on avait fait le mot truffe, qui convient très-bien à l’espèce de fruit qui sert à désigner, à cause de la difficulté qu’on a de le découvrir. Or, il est bien certain que l’on employait différemment autrefois, truffe et tartuffe, ainsi qu’on le voit dans une ancienne traduction française du traité de Platina intitulé : De honestâ voluptate,