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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/16

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

prêtre austère et sombre écrivant d’une main fatale sur le tombeau de la foi la sentence de l’esprit humain ; c’est, au contraire, un prophète qui secoue, au nom de la liberté, le linceul des nations mortes, et qui crie aux ossements vides : « Levez-vous ! »

Or, parmi les jeunes rédacteurs de l’Avenir, chose digne de remarque ! celui qui se distinguait le plus, non-seulement par le talent, mais encore par l’exaltation démocratique de ses idées, c’était le comte Charles de Montalembert, dont plus d’une fois le sévère vieillard dut retenir la verve imprudente. Nous aurons à raconter bientôt le sac de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois et la profanation des choses saintes ; la situation était embarrassante pour l’Avenir : ce journal avait recommandé au jeune clergé de croire en la Révolution, et voilà que cette même Révolution, déchaînée en un jour de colère, éclaboussait les temples catholiques, et déracinait les insignes du culte.

Ce fut le comte Charles de Montalembert qui se chargea de faire le premier-Paris du lendemain.

Au lieu de s’emporter contre les démolisseurs, il s’emporta contre le clergé, contre les prêtres, dont l’aveugle et dangereux attachement pour le trône renversé avait attiré sur le symbole chrétien la colère du peuple. D’anathèmes, il n’en avait point assez pour « ces incorrigibles défenseurs de l’ancien régime et ce catholicisme bâtard qu’avait enfanté la religion des rois ! » Les croix qu’on venait d’abattre étaient des croix fleurdelisées ; il en prenait occasion pour réclamer la séparation de l’Église de l’autorité civile. Sans les fleurs de lis, personne, — et le comte-Charles de Montalembert l’affirmait, — personne n’en eût voulu aux croix.

Le caractère de l’Avenir était d’entrer, alors, dans le double mouvement politique et littéraire ; sympathique à la littérature moderne, dont il possédait, d’ailleurs, dans la personne de l’abbé de Lamennais, un des premiers écrivains, l’Avenir était un des rares journaux — rari nantes — où l’on pût suivre à la fois l’esprit humain sous ses deux manifestations.