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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/198

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Madame, à vos genoux j’apporte cette épée…
— Quoi ! du sang de Rodrigue encor toute trempée !
Perfide ! oses-tu bien te montrer à mes yeux,
Après m’avoir ôté ce que j’aimais le mieux ?
Éclate, mon amour ! tu n’as plus rien à craindre :
Mon père est satisfait ; cesse de te contraindre !
ün même coup a mis ma gloire en sûreté,
Mon âme au désespoir, ma flamme en liberté !
— D’un esprit plus rassis…
— Tu me parles encore,
Exécrable assassin du héros que j’adore !
Va, tu l’as pris en traître ! Un guerrier si vaillant
N’eût jamais succombé sous un tel assaillant !
N’espère rien de moi ; tu ne m’as point servie :
En croyant me venger, tu m’as ôté la vie !…

Il est vrai que Corneille avait emprunté cette scène à Guilhem de Castro, qui l’avait empruntée au romancero du Cid.

Maintenant, le jour où j’écoutai cette lecture d’Alfred de Musset, j’avais déjà, depuis plus d’un an, une idée analogue en tête.

Cette idée m’était restée de la lecture du fameux drame de Goethe, Gœtz de Berlichingen. Trois ou quatre scènes sont noyées dans ce drame gigantesque qui m’avaient paru suffire à un drame. C’est toujours cette même situation de la femme poussant l’homme qu’elle n’aime pas à tuer l’homme qu’elle aime, comme Chimène dans le Cid, comme Hermione dans Andromaque.

L’analyse de Gœtz de Berlichingen nous entraînerait trop loin ; contentons-nous d’emprunter ces trois ou quatre scènes à la traduction de notre ami Marmier :

ADÉLAÏDE, femme de Weislingen ; FRANTZ, page de Weslingen.

Adélaïde. — Ainsi, les deux expéditions sont en marche ?

frantz. — Oui, madame, et mon maître a la joie de combattre vos ennemis…

— Comment va-t-il, ton maître ?