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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/200

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Je t’aimais bien aussi ; tu étais près de mon cœur… Va, trahis-moi !

— Je m’arracherais plutôt le sein !… Pardonnez-moi, madame ; mon âme est trop pleine, je ne suis plus maître de moi !

— Cher enfant ! excellent cœur !

(Elle lui prend les mains, l’attire à elle ; leurs bouches se rencontrent ; il se jette à son cou en pleurant.)

— Laisse-moi !… Les murs ont des yeux… Laisse-moi… (Elle se dégage.) Aime-moi toujours ainsi ; sois toujours aussi fidèle ; la plus belle récompense t’attend ! (Elle sort.)

— La plus belle récompense ! Dieu, laisse-moi vivre jusque-là !… Si mon père me disputait cette place, je le tuerais !

WEISUNGEN, FRANTZ.

weislingen. — Frantz !

frantz. — Monseigneur !

— Exécute ponctuellement mes ordres : tu m’en réponds sur ta vie. Remets-lui cette lettre ; il faut qu’elle quitte la cour, et se retire dans mon château à l’instant même. Tu la verras partir, et aussitôt tu reviendras m’annoncer son départ.

— Vos ordres seront suivis.

— Dis-lui bien qu’il faut qu’elle le veuille… Va !

ADÉLAÏDE, FRANTZ.

(Adélaïde tient à la main la lettre de son mari apportée par Frantz.)

Adélaïde. — Lui ou moi !… L’insolent ! me menacer ! Nous saurons le prévenir… Mais qui se glisse dans le salon ?

FRANTZ, se jetant à son cou. — Ah ! madame ! chère madame !…

— Écervelé ! si quelqu’un t’avait entendu !

— Oh ! tout dort !… tout le monde dort !

— Que veux-tu ?

— Je n’ai point de sommeil : les menaces de mon maître… votre sort… mon cœur…

— Il était bien en colère quand tu l’as quitté ?

 — Comme jamais je ne l’ai vu ! « Il faut qu’elle parte pour mon château ! a-t-il dit ; il faut qu’elle le veuille ! »

— Et… nous obéirons ?

— Je n’en sais rien, madame.