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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/23

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La Mort.

Le sang toujours ne peut rougir la terre ;
Les chiens toujours ne peuvent pas lécher ;
Il est un temps où la Peste et la Guerre
Ne trouvent plus de vivants à faucher !…
Enfants hideux ! couchez-vous dans mon ombre,
Et sur la pierre étendez vos genoux ;
Dormez ! dormez ! sur notre globe sombre,
Tristes fléaux ! je veillerai pour vous.
Dormez ! dormez ! je prêterai l’oreille
Au moindre bruit par le vent apporté ;
Et, quand, de loin, comme un vol de corneille,
S’élèveront des cris de liberté ;
Quand j’entendrai de pâles multitudes,
Des peuples nus, des milliers de proscrits,
Jeter à bas leurs vieilles servitudes
En maudissant leurs tyrans abrutis ;
Enfants hideux ! pour finir votre somme,
Comptez sur moi, car j’ai l’œil creux… Jamais
Je ne m’endors, et ma bouche aime l’homme
Comme le czar aime les Polonais !

VICTOR HUGO

Je hais l’oppression d’une haine profonde ;
Aussi, lorsque j’entends, dans quelque coin du monde,
Sous un ciel inclément, sous un roi meurtrier,
Un peuple qu’on égorge appeler et crier ;
Quand, par les rois chrétiens aux bourreaux turcs livrée,
La Grèce, notre mère, agonise éventrée ;
Quand l’Irlande saignante expire sur sa croix ;
Quand l’Allemagne aux fers se débat sous dix rois ;
Quand Lisbonne, jadis belle et toujours en fête,
Pend au gibet, les pieds de Miguel sur sa tête ;
Quand Albani gouverne au pays de Caton ;
Quand Naples mange et dort ; quand, avec son bâton,
Sceptre honteux et lourd que la peur divinise,
L’Autriche casse l’aile au lion de Venise ;