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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/246

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Nous passerons aussi rapidement que possible sur ces trois événements. Cependant, nous devons au plan de ces Mémoires d’en consigner ici les principaux détails. Il faut qu’on sache que, chaque fois que le pays a jeté un cri, nous l’avons entendu.

Commençons par Lyon.

Tout le monde connaît Lyon, pauvre ville de boue avec un dais de fumée, entassement de richesses et de misères, dont on n’ose parcourir les rues en voiture, non pas de peur d’écraser le peuple, mais de peur de l’insulter ; où, pour quarante mille malheureux, les vingt-quatre heures de la journée ont dix-huit heures de travail, de râle et d’agonie.

Vous rappelez-vous la belle comparaison d’Hugo dans le quatrième acte d’Hernani :

Un édifice avec deux hommes au sommet,
Deux chefs élus auxquels tout roi-né se soumet.
.........Être ce qui commence,
Seul, debout au plus haut de la spirale immense,
D’une foule d’États l’un sur l’autre étagés
Être la clef de voûte, et voir sous soi rangés
Les rois, et sur leurs fronts essuyer ses sandales,
Voir, au-dessous des rois, les maisons féodales,
Margraves, cardinaux, doges, ducs à fleurons ;
Puis évêques, abbés, chefs de clans, hauts barons ;
Puis clercs et soldats ; puis, loin du faîte où nous sommes,
Dans l’ombre, tout au fond de l’abîme, les hommes.

Eh bien, en face de cette pyramide aristocratique, couronnée par ces deux moitiés de Dieu, le pape et l’empereur, et resplendissante d’or et de diamants à chacun de ses étages, mettez la spirale populaire à l’aide de laquelle nous allons essayer de vous faire comprendre ce que c’est que Lyon, et vous aurez, non pas un pendant exact, mais, au contraire, une terrible opposition.

Donc, supposez une spirale composée de trois étages : au faîte, huit cents fabricants ; au centre, dix mille chefs d’atelier ; à la base, supportant ce poids immense qui pèse tout