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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/248

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Rousse, — il y a des noms caractéristiques, n’est-ce pas ? — il s’éleva de la Croix-Rousse, c’est-à-dire de la cité ouvrière, un immense sanglot pareil à celui que Dante entendit en traversant le premier cercle de l’enfer. C’était la plainte de cent mille souffrants.

Deux hommes commandaient à Lyon, l’un représentant le pouvoir civil, l’autre la force militaire : un préfet et un général.

Le préfet se nommait Bouvier-Dumolard ; le général se nommait Roguet.

Le premier, dans ses fonctions administratives, qui le mettaient en contact avec toutes les classes de la société, avait été à même d’étudier cette sombre et profonde misère ; misère d’autant plus terrible, que non-seulement on n’y voyait pas de remède, mais encore qu’elle allait s’aggravant tous les jours.

Quant au général, qui ne connaissait que ses soldats, à cinq sous par jour, et qui savait que chacun d’eux avait une ration avec laquelle un canut eût pu nourrir sa femme et ses enfants, il ne s’inquiétait pas d’autre chose.

Le cri de douleur des pauvres affamés vint donc frapper bien différemment le général et le préfet.

On s’informa de part et d’autre de ce que voulait dire ce cri de douleur.

Les ouvriers demandaient un tarif.

Le général Roguet assembla les prud’hommes et leur demanda une mesure de compression.

M. Bouvier-Dumolard, au contraire, voyant les prud’hommes assemblés, leur demanda une augmentation de salaire.

Le 11 octobre, le conseil des prud’hommes prit cet arrêté :

« Considérant qu’il est de notoriété publique que beaucoup de fabricants payent réellement des façons trop minimes, il est utile qu’un tarif au minimum soit fixé pour le prix des façons. »

En conséquence, il y eut, le 15 octobre suivant, réunion à l’hôtel de la préfecture.