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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/262

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

toujours à cinq lieues de poste. Or, cinq lieues de poste dans une patache de province, c’est au moins quatre heures de route. Nous n’arriverions chez M. Dupont-Delporte, que personne de nous ne connaissait, qu’à neuf heures ou neuf heures et demie du soir. Serait-il père assez tendre pour nous pardonner une pareille invasion, fondant sur lui à l’improviste ?

Bixio répondait qu’avec la lettre du fils, nous étions sûrs, à quelque heure du jour ou de la nuit que nous vinssions heurter à sa porte, d’être bien reçus par le père. Nous partîmes dans cette confiance, entassés, nous et nos chiens, dans la fameuse patache en question, laquelle nous donna immédiatement son prospectus en mettant une heure un quart à faire la première lieue.

Nous venions d’entamer la seconde, lorsqu’en longeant une pièce de luzerne, la tentation me prit d’y entrer avec le chien d’un de mes compagnons de chasse ; je ne sais par quel malheur j’étais déferré du mien.

On me fit l’observation que la chasse n’était point ouverte ; mais ma seule réponse fut que c’était une raison de plus pour y trouver du gibier.

Puis j’ajoutai que, si je parvenais à tuer soit une couple de perdreaux, soit un lièvre, ce serait toujours un allégement au souper qu’allait être forcé de nous donner M. Dupont-Delporte.

Ce raisonnement séduisit mes compagnons. On arrêta la patache ; je pris le chien de Viardot, et j’entrai dans la pièce de luzerne.

Si un garde champêtre quelconque apparaissait, la patache reprenait son chemin, et, moi, je me chargeais de distancer le susdit garde champêtre. Ceux qui connaissaient ma façon de marcher n’avaient aucune inquiétude à cet égard.

On se rappelle ce voyage que je fis de Crépy à Paris, allez et retour, en chassant avec mon ami Paillet.

À peine avais-je fait vingt pas dans la pièce de luzerne, qu’un grand levraut de trois-quarts partit sous le nez du chien. Il va sans dire que ce fut un levraut mort.