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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/264

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Bon ! dit Bixio, M. Dupont-Delporte ne nous le pardonnerait pas.

Et, sautant à bas de la voiture, il s’avança résolûment vers la porte, et sonna.

Pendant ce temps, le conducteur, qui était payé d’avance, et qui avait frémi à cette proposition, faite par Boulanger, de prendre sa patache pour tente, tourna doucement la tête de son cheval vers Montigny, et partit tout à coup d’un trot qui prouvait que son cheval se sentait fort soulagé par la mise à terre de son chargement.

Un instant nous eûmes l’intention de le retenir ; mais, avant que la discussion qui s’était établie à ce sujet fût terminée, conducteur, cheval et voiture avaient disparu dans les ténèbres.

Nos vaisseaux étaient brûlés !

La situation devenait d’autant plus précaire que Bixio avait beau sonner, frapper, jeter des pierres dans la porte, personne ne répondait.

Une idée pleine de terreur commençait à pénétrer dans nos esprits : le château, au lieu de renfermer des gens endormis, paraissait ne renfermer aucune sorte de gens. C’était une triste perspective pour des voyageurs dont pas un ne connaissait le pays, et qui se sentaient un appétit de naufragés.

Bixio cessa de sonner, cessa de frapper, cessa de jeter des pierres ; l’assaut avait duré un quart d’heure, et n’avait rien produit : il était évident que le château était désert.

Nous nous réunîmes en conseil. Chacun mit en avant son avis.

Bixio persistait dans le sien, qu’il fallait entrer, dût-on passer par-dessus les murs ; il répondait de l’approbation de M. Dupont-Delporte à tout ce que nous ferions.

— Voyons, lui dis-je, prends-tu la chose sur toi ?

— Entièrement.

— Nous garantis-tu, non pas l’impunité judiciaire, mais l’absolution courtoise ?

— Oui.