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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/270

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

mais deux raisons nous en empêchèrent : la première, c’est que Bixio la tenait dans sa poche, et l’avait emportée au marché ; la seconde, c’est que la mère Galop ne savait pas lire !

À notre tour, nous interrogeâmes, avec toute l’adresse dont nous étions capables, la mère Galop sur cette absence de toute la famille, qui faisait le château désert.

M. Dupont-Delporte père avait été nommé préfet de la Seine-Inférieure, et il avait déménagé en toute diligence depuis une semaine, laissant son château et ce qu’il y restait de mobilier sous la surveillance de la mère Galop.

On voit qu’elle remplissait son mandat en conscience.

L’arrivée de la mère Galop avait son bon et son mauvais côté : c’était un censeur, mais, en même temps, c’était une femme de ménage.

Il en résulta que, moyennant une pièce de cinq francs qui lui fut généreusement octroyée par moi, nous eûmes des assiettes et des serviettes à notre déjeuner.

Bixio et Boulanger arrivèrent comme les poulets accomplissaient leur dernier tour de broche, et comme la mère Galop dressait le canard aux navets.

Une omelette de vingt-quatre œufs compléta le service.

Puis, admirablement lestés, nous nous mîmes en chasse.

Nous n’avions pas tiré quatre coups de fusil, que nous vîmes le garde champêtre accourir en toute hâte.

C’était bien ce que nous espérions ; lui savait lire : il tint pour bonne la lettre de notre sous-lieutenant, se chargea de nous conduire par tout le terroir, et de rassurer la mère Galop, à qui notre métamorphose de cuisiniers en chasseurs avait inspiré quelques craintes superposées sur les anciennes craintes, qui ne s’étaient jamais entièrement calmées.

Un chasseur sans chien — on se rappelle que c’était ma position sociale — est un être très-désagréable, attendu que, s’il veut tuer quelque chose ; il doit se faire le Pollux, le Pylade ou le Pythias d’un chasseur qui a un chien.

Je commençai par donner la préférence de mon voisinage à Bessas-Lamégie, celui de mes compagnons de chasse avec lequel j’étais le plus lié. Malheureusement, Bessas avait un