Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

chien neuf qui faisait ses débuts, et qui en était à sa première ouverture.

Ordinairement, les chiens — le vulgaire du moins — chassent le nez en bas et la queue en l’air. Le chien de Bessas avait adopté le système opposé. Il en résultait qu’il avait l’air de sortir, non pas des mains d’un garde, mais des jambes d’un écuyer ; si bien qu’au bout d’une heure, je conseillai à Bessas de monter son chien en selle, ou de l’atteler, mais de ne plus chasser avec lui.

Tout au contraire, Viardot avait une petite chienne charmante, chassant sous le canon du fusil, arrêtant comme un pieu, et revenant au premier coup de sifflet.

J’abandonnai Bessas, et commençai à jouer avec Viardot, que je connaissais moins, la scène de don Juan et de M. Dimanche.

Au beau milieu de la scène, une compagnie de perdrix partit. Viardot leur envoya ses deux coups, et en tua une. Je fis comme Viardot ; seulement, j’en tuai deux.

Nous continuâmes de chasser et de tuer dans cette proportion.

Mais, bientôt, j’eus un tort.

Un lièvre partit devant la chienne de Viardot. J’eusse dû donner à celui-ci le temps de lui envoyer ses deux coups, et ne tirer que s’il l’avait manqué.

Je tirai le premier, et le lièvre roula avant que Viardot eût eu le temps de mettre le fusil à l’épaule.

Viardot me regarda de travers ; il y avait de quoi.

Nous entrâmes dans une pièce de trèfle. Je tirai mes deux coups sur deux perdrix qui tombèrent démontées toutes les deux. Le secours d’un chien m’était absolument nécessaire. J’appelai la chienne de Viardot ; mais Viardot appela sa chienne, et Diane, en bête bien dressée, suivit son maître, et ne s’inquiéta aucunement de moi et de mes deux perdrix.

Nul n’est si près de la damnation de son âme qu’un chasseur qui perd une pièce de gibier ; à plus forte raison un chasseur qui perd deux pièces.

J’appelai le chien de Bessas-Lamégie. Roméo vint. — C’était