Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
274
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Déjà ?

— Ah ! monsieur a dormi longtemps !

— Vous eussiez bien pu me laisser dormir plus longtemps encore.

— Mais l’ami de monsieur…

— L’ami de monsieur eût trouvé monsieur, dans le cas où il serait venu.

— Mais monsieur n’est donc pas sûr de rencontrer son ami ?

— Garçon, quand vous aurez lu Socrate, vous saurez combien un ami est rare, et combien, par conséquent, on est peu sûr de rencontrer un ami !

— Alors, monsieur pourrait toujours commander le déjeuner pour trois ; si l’ami de monsieur vient, on ajoutera un couvert.

— Vous dites que nous sommes près de Fontainebleau ? répondis-je en éludant la question.

— Dans cinq minutes, nous serons en face du débarcadère.

— Alors je vais voir si mon ami vient.

Et je montai sur le pont, tournant machinalement mes yeux vers le débarcadère.

On en était encore à une trop grande distance pour rien distinguer ; mais, aidé du courant et de la vapeur, le bateau descendait assez rapidement.

Peu à peu, les individus groupés sur le rivage se détachèrent les uns des autres ! On commença de distinguer les contours, puis la couleur des habits, puis les traits du visage.

Mes regards s’étaient arrêtés presque malgré moi sur un individu qui attendait au milieu de dix autres personnes, et que je croyais reconnaître. Mais c’était si peu probable !… Cependant, il lui ressemblait bien… Si c’était lui, quelle chance !… Non, cela me paraissait impossible… Pourtant, c’était bien sa tournure, sa taille, sa physionomie.

Le bateau approchait toujours.

L’individu qui faisait l’objet de mon attention descendit dans la barque. Le bateau s’arrêta pour recevoir les passagers.

À moitié chemin du bateau, l’individu me reconnut à son tour, et me salua de la main.