Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
281
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Il est vrai que le supplice ne durait pas longtemps ; il se bornait, en général, aux trois représentations d’usage, quand il atteignait même ces trois représentations. Souvent la première ne finissait pas : témoin Pertinax et Arbogaste.

Il était alors curieux de voir les prétextes que ces messieurs trouvaient à leur chute. Ceux de M. Arnault étaient charmants, attendu qu’il était impossible d’avoir plus d’esprit que n’en avait M. Arnault.

Ainsi, par exemple, il avait fait reprendre, au Théâtre-Français, une ancienne pièce de lui, jouée, je crois, sous l’Empire, le Proscrit, ou les Guelfes et les Gibelins.

La pièce était tombée. À qui s’en prit l’académicien furieux ? — À Firmin !

Comment, à Firmin ?

Oui, à Firmin, charmant artiste, plein de cœur et de conscience, jouissant près du public d’une constante faveur, mais à qui la mémoire commençait à faire défaut.

Firmin jouait dans l’ouvrage le rôle de Tebaldo, chef des Gibelins, et frère d’Uberti, chef des Guelfes. — Les autres rôles étaient joués par Ligier, Joanny et Duchesnois. Comme on le voit, M. Arnault n’avait pas à se plaindre : la Comédie-Française lui avait prêté ce qu’elle avait de mieux ; peut-être était-ce par conviction que ce ne serait pas pour longtemps.

Eh bien, M. Arnault prit pour prétexte de sa chute la mémoire ou plutôt le manque de mémoire de Firmin, et dédia sa pièce au souffleur.

Nous avons sous les yeux, et nous allons citer cette curieuse dédicace, qui aura pour nos lecteurs, nous l’espérons du moins, tout l’attrait d’un morceau inédit.

ÉPITRE DÉDICATOIRE
AU
SOUFFLEUR DU THÉÂTRE-FRANÇAIS[1].

« Monsieur,
» Tous les auteurs ne sont point des ingrats. J’en sais qui

  1. Trois personnages sont décorés de ce titre ; leur importance, tou-