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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/47

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ils eussent pu, comme le fit, longtemps après eux, le premier Zoroastre, regarder ces deux principes comme principiés, c’est-à-dire comme fils et fille d’Iswara, et laisser ainsi l’antique Iswara à sa place en l’appuyant sur la double colonne des êtres créateurs, comme on voit un général romain élevé sur deux boucliers portés par ses soldats ; mais ils voulurent faire, de ces deux principes, des principes principiants ; ils se contentèrent donc d’adjoindre à Iswara un nouveau principe, c’est-à-dire de marier Iswara avec Pracriti, ou la Nature. Alors, tout fut expliqué : Pracriti posséda le sakti, c’est-à-dire le pouvoir conceptif, et l’ancien Iswara le bidja, ou le pouvoir génératif.

Je crois avoir été aussi clair que possible jusqu’à présent ; je vais tâcher de continuer ma démonstration avec une égale limpidité ; chose qui ne sera pas facile, attendu — et je suis bien aise d’en prévenir le lecteur — que nous faisons de la plus haute science, ce dont il pourrait ne pas se douter.

Cette première découverte des savants indiens, qui amena le mariage d’Iswara et de Pracriti, eut pour résultat de faire considérer l’univers comme le produit de deux principes possédant chacun en son particulier, l’un la faculté du mâle, l’autre la faculté de la femelle. Iswara et Pracriti, c’étaient l’Ève et l’Adam, non pas seulement de l’humanité, mais encore de l’univers.

Ce système, remarquable par sa simplicité même, et qui séduisit l’homme en donnant à tout ce qui l’entourait une origine pareille à la sienne, se retrouve chez la plupart des peuples, qui le reçurent des Indous. Sanchoniathon appelle son principe mâle Hypsistos, le Très-Haut, et son principe femelle Berouth, la Nature ; les Grecs appellent leur principe mâle Saturne, et leur principe femelle Rhea ; les uns et les autres correspondent à Iswara et à Pracriti.

Cela alla bien pendant quelques siècles ; mais la manie de la controverse est naturelle à l’homme, et cette manie amena les questions suivantes, que se posèrent les savants indous, et qui provoquèrent la lutte d’une moitié du genre humain contre l’autre.