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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/5

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

crira de trois façons différentes, comme celui de M. de la Martine, et indiquera, par les différentes façons dont il s’écrira, les différentes évolutions de son esprit, et les différents progrès de son opinion.

Nous disons de son opinion, et non pas de ses opinions ; car, dans ces trois phases, il y a, comme dans les trois manières de Raphaël, non pas un changement de manière, mais un perfectionnement dans la manière.

Au milieu de l’agitation des idées et des paroles, l’austère Breton venait dire au monde un mot auquel on ne s’attendait pas ; en effet, M. de la Mennais passait alors pour un des soutiens du trône et de l’autel.

Le trône venait de tomber, et l’autel tremblait fort sous le mouvement que 1830 avait imprimé aux institutions sociales.

Or, on se trompait sur les intentions du grand écrivain, et, cela, parce que l’on ne voyait en lui que l’auteur de l’Essai sur l’indifférence en matière de religion, livre étrange où cette virile imagination s’était débattue avec son siècle, et avait lutté avec l’esprit du temps comme Jacob avec l’ange.

On oubliait qu’en 1828, sous le ministère Martignac, le même M. de la Mennais avait jeté dans la discussion un livre qui annonçait un certain revirement intellectuel : Du progrès de la Révolution et de la guerre contre l’Église.

Dans ce livre, la révolution de 1830 était prédite comme inévitable, et M. de la Mennais appelait de tous ses vœux « l’alliance des catholiques et des libéraux sincères. » Ce livre est donc en quelque sorte le gond sur lequel tourne la porte par laquelle M. de la Mennais passe de sa première phase politique dans la seconde.

M. de la Mennais était né à Saint-Malo, dans la maison contiguë à celle où naquit Chateaubriand, et à quelques pas de celle où naquit Broussais. Ainsi, cette vieille et paisible ville devait nous donner, en moins de quinze ans, Chateaubriand, Broussais, la Mennais, c’est-à-dire la meilleure partie de la poésie, de la science et de la philosophie de la première moitié du xixe siècle.

Comme Chateaubriand, M. de la Mennais avait passé son