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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/59

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


» — Justice !
» Et les échos répétèrent : « Justice ! » Et, à un signal de leur roi, les fantômes entonnèrent en chœur un hymne retentissant… »

Cet hymne ne manque pas d’une certaine majesté terrible, d’une certaine terreur grandiose ; mais nous nous réservons pour d’autres citations que nous préférons à celle-là.

L’apôtre reprend :

« Ils se turent, les pâles fantômes ; leurs lèvres devinrent immobiles et glacées, et sur le front maudit de ces enfants perdus de la tombe sembla flotter indécise l’ombre sanglante du passé.
» Et soudain, de la base au faîte de l’escalier mystérieux, il se fit un grand bruit, et de nouveaux visages apparurent sur le seuil…
» Une chemise rouge, un bonnet de laine grossière, un mauvais pantalon de toile souillé de sueur et de poudre ; aux pieds un boulet d’airain, aux mains des chaînes retentissantes ; tel était leur accoutrement, marqué du cachet indélébile de toutes les misères humaines.
» Comme s’ils eussent été évoqués par l’appel de leurs devanciers, ils entrèrent en leur adressant un salut amical. Je remarquai que chacun d’eux portait sur son visage un air d’insouciance et de défi, et, soigneusement caché sous ses vêtements, un poignard couvert de rouille.
» Et sur leurs épaules ils élevaient triomphalement un large billot encore imprégné d’un sang noirâtre.
» Et sur ce billot un homme à la face avinée, aux jambes titubantes, grotesquement appuyé sur le manche usé d’une hache.
» Et cet homme, gambadant et gesticulant, écorchait d’un ton nasillard une espèce de complainte dont le refrain était celui-ci :

Voici l’autel et le bedeau !
À sa barbe faisons l’orgie ;