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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/61

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ces paroles succéda une voix d’en haut, voix pleine de mansuétude :
» — Espérez, pauvres martyrs ! disait-elle au lugubre cortège immobile dans un des coins du grabat ; espérez ! l’heure approche ! »

Alors, viennent trois nobles figures : celles de l’ouvrier, du laboureur et du soldat. Le premier a faim : on lui dispute le pain qu’il a gagné. Le second a faim et froid : on lui marchande le grain qu’il a semé, le bois qu’il a coupé. Le troisième a passé par toutes les souffrances humaines ; bien plus, il a espéré, et son espérance a été déçue, et on lui reproche le sang versé. Tous trois portent sur leur visage l’histoire de leur vie ; tous trois se sentent mal à l’aise dans le présent ; tous trois sont prêts à demander à Dieu compte de ses œuvres ; mais, quand l’heure approche, quand leur cri va s’élever vers l’Éternel, un spectre s’élance des limbes du passé : on le nomme le Devoir. Et ils reculent pleins d’épouvante. Un prêtre les précède ; ses membres sont serrés dans un vêtement funèbre ; il s’avance à pas lents et les yeux baissés. Étrange contraste ! il rêve le ciel, et s’incline vers la terre ! Sur sa poitrine on lit : Christianisme ! et plus bas : Résignation.

« Les voici ! les voici ! s’écrie l’apôtre ; ils s’avancent vers celui qui est. Quels seront leurs discours, et comment s’exprimeront-ils en sa présence ? Leur plainte sera-t-elle aussi profonde que leur tristesse ? Non, leur incertitude est trop grande pour qu’ils osent formuler leur pensée : d’ailleurs, leur pensée, c’est le doute.
» Peut-être, un jour, parleront-ils plus-haut. Écoutons religieusement l’hymne que murmurent leurs lèvres ; hymne plein de majesté, mais, pourtant, moins harmonieux que la brise et moins infini que l’Océan. Écoutons :

hymne

Du haut de l’horizon, du milieu des nuages
Où l’astre voyageur apparut aux trois rois,