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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/62

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Des profondeurs du temple où veillent tes images,
Ô Christ ! entends-tu notre voix ?
Si tu contemples la misère
De la foule muette au pied de tes autels,
Une larme de sang doit mouiller ta paupière.
Tu dois te demander, dans ta douleur austère,
S’il est des dogmes éternels !

Le prêtre.

Ô Christ ! j’ai pris longtemps pour un port salutaire
Ta maison, dont le toit domine les hauts lieux ;
Et j’ai voulu cacher au fond du sanctuaire,
Comme sous un bandeau, mon front tumultueux.

Le soldat.

Ô Christ ! j’ai pris longtemps pour une noble chaîne
L’abrutissant lien que je traîne aujourd’hui ;
Et j’ai donné mon sang à la cause incertaine
De cette égalité dont l’aurore avait lui.

Le laboureur.

Ô Christ ! j’ai pris longtemps pour une tâche sainte
La rude mission confiée à mes bras,
Et j’ai, pendant vingt ans, sans repos et sans plainte,
Laissé sur les sillons la trace de mes pas.

L’ouvrier.

Ô Christ ! j’ai pris longtemps pour œuvre méritoire
Mes longs jours consumés dans un labeur sans fin ;
Et, maintes fois, de peur d’outrager ta mémoire,
J’ai plié ma nature aux douleurs de la faim.

Le prêtre.

La foi n’a pas rempli mon âme inassouvie !

Le soldat.

L’orage a balayé tout le sang répandu !

Le laboureur.

Où je semais le grain, j’ai récolté l’ortie !