Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

femme s’étendit, comme dans l’antique Éden, un arbre aux verts rameaux ; et cet arbre se nomma arbre de liberté. Et, désormais, France et Liberté ne font plus qu’un seul et même terme, qu’une seule et même idée !
» Et, me présentant une harpe suspendue au-dessus de sa couche, il ajouta ;
» — Chante, prophète !
» Et voici ce que m’inspira l’esprit de Dieu :
I

» Pourquoi te lèves-tu avec le soleil, ô France ! ô Liberté ! et pourquoi tes vêtements exhalent-ils une senteur embaumée ? Pourquoi montes-tu dès le matin sur ta montagne ?

II

» Est-ce pour voir à l’horizon les faucheurs dans les champs de blé mûr, ou la glaneuse qui se courbe sur les sillons comme un arbrisseau battu des vents ?

III

» Est-ce pour écouter le chant de l’alouette ou le murmure du fleuve, ou pour contempler l’aurore, belle comme une vierge aux yeux bleus ?

IV

» Si tu te lèves avec le soleil, ô France ! ô Liberté ! ce n’est point pour voir à l’horizon les faucheurs dans les champs de blé mûr, ni la glaneuse qui se courbe sur les sillons.

V

» Ce n’est point pour écouter le chant de l’alouette ou le murmure du fleuve, ni pour contempler l’aurore, belle comme une vierge aux yeux bleus.

VI

» C’est que tu attends ton fiancé ; ton fiancé aux mains puissantes, aux lèvres plus roses que le corail des mers d’Ibérie, et au front plus uni que le marbre de Paros.