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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ô roi le plus Français dont s’honore la France,
Il est dans ton destin de voir fuir l’étranger !
Et toi, son digne fils, après vingt ans d’orage,
Règne sur des sujets par toi-même ennoblis ;
Leurs droits sont consacrés dans ton plus bel ouvrage.
Oui, ce grand monument, affermi d’âge en âge,
Doit couvrir de son ombre et le peuple et les lis.
Il est des opprimés l’asile impérissable,
La terreur du tyran, du ministre coupable,
Le temple de nos libertés !

Que la France prospère en tes mains magnanimes ;
Que tes jours soient sereins, tes décrets respectés,
Toi qui proclames ces maximes :
« Ô rois, pour commander, obéissez aux lois !
Peuple, en obéissant, sois libre sous tes rois ! »

Il est vrai que, quinze ans plus tard, l’auteur de la Semaine de Paris chantait, presque dans les mêmes vers, l’avénement au trône du roi Louis-Philippe. Voyez plutôt :

Ô toi, roi citoyen, qu’il presse dans ses bras,
Aux cris d’un peuple entier dont les transports sont justes,
Tu fus mon bienfaiteur… je ne te loûrai pas :
Les poëtes des rois sont leurs actes augustes.
Que ton règne te chante, et qu’on dise après nous :
« Monarque, il fut sacré par la raison publique ;
Sa force fut la loi ; l’honneur, sa politique ;
Son droit divin, l’amour de tous ! »

Qu’on relise les vers que nous venons de citer, — ceux qui étaient adressés à Louis XVIII, bien entendu, — et l’on verra que Victor Hugo, Lamartine et la Mennais n’ont jamais exprimé leur joie du retour des Bourbons en termes plus caressants que ne le faisait Casimir Delavigne. D’où vient donc que les libéraux d’alors et les conservateurs d’aujourd’hui ont si amèrement reproché aux trois premiers ces gages d’amour à la branche aînée, et qu’ils ont toujours ignoré ou feint d’ignorer l’envers royaliste de l’auteur des Messéniennes ? Eh ! mon