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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/98

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Sire, lui dit-il, j’ai l’honneur de vous demander un entretien secret.

Le roi, étonné, marcha devant lui, et le conduisit dans son cabinet.

À peine la porte en fut-elle refermée, que, sans circonlocution et sans ambages :

— Sire, dit le nouveau président, j’ai l’honneur d’offrir ma démission à Votre Majesté.

— Eh ! mon Dieu, monsieur Périer, s’écria le roi, et à quel propos ?

— Sire, reprit le ministre exaspéré, des ennemis dans les clubs, des ennemis dans les rues, des ennemis dans la Chambre, passe encore ! mais des ennemis à la cour, à laquelle je viens offrir mon nom, mon courage, ma fortune, c’est trop ! et je ne me sens pas la force, je l’avoue à Votre Majesté, de faire face à toutes ces haines.

Le roi sentit le coup ; il fallait le parer, car, dans la situation, peut-être allait-il être mortel.

Alors, tout ce que sa voix avait de flatterie, tout ce que son esprit avait de séduction, — et il en avait beaucoup ! — le roi le mit en usage pour adoucir l’orgueil blessé de son ministre.

Mais Casimir Périer répéta incessamment, avec la hautaine inflexibilité de son caractère :

— Sire, j’ai l’honneur d’offrir ma démission à Votre Majesté.

Le roi comprit qu’il fallait faire amende honorable.

— Attendez dix minutes ici, mon cher monsieur Périer, fit-il ; dans dix minutes, vous êtes libre.

Le ministre s’inclina en silence, et laissa sortir le roi.

Pendant ces dix minutes, le roi expliqua à la reine, à sa sœur et à son fils l’urgence qu’il y avait pour lui à garder M. Casimir Périer, et leur annonça la résolution que venait de prendre M. Casimir Périer de donner sa démission.

C’était un mot d’ordre nouveau. En quelques secondes, il fut transmis à qui de droit.