Un autre répondrait : « Ce n’est pas lui ; c’est Malitourne.
Je ne regarde point l’envers de la page : du moment que les articles sont signés Véron, que les Mémoires sont signés Véron, pour moi, les articles et les Mémoires sont de Véron.
Que voulez-vous ! c’est la faiblesse de Véron, de croire qu’il écrit. Pardieu ! s’il n’écrivait pas, sa réputation d’homme d’esprit serait faite, malgré ses millions !
Mais il en résulte que, grâce à ces diables d’articles et à ces démons de Mémoires, on me rit au nez, quand je dis que Véron a de l’esprit. J’ai beau me fâcher, m’emporter, crier, en appeler aux gens qui ont soupé avec lui, bons juges en fait d’esprit, on peut m’en croire, tout le monde me répond, — ceux qui n’ont pas soupé avec lui, bien entendu :
— Bon ! vous dites cela parce que vous devez douze mille lignes à M. Véron !
Comme si c’était une raison, parce qu’on doit douze mille lignes à un homme, pour dire que cet homme a de l’esprit ! Ainsi, par exemple, M. Lehodey, du Siècle, dit que je lui dois vingt-quatre mille lignes : à ce compte, il me faudrait dire qu’il a deux fois plus d’esprit que Véron. Eh bien, je ne le dis pas ; je me contente de dire que je ne lui dois pas ces vingt-quatre mille lignes, et que c’est lui, au contraire, qui me doit quelque chose comme trois ou quatre cent mille francs peut-être, mais, à coup sûr, pas moins.
Où diable en étions-nous ?
Ah ! bien ! à la soirée de Robert le Diable.
Après le troisième acte, j’avais rencontré Rossini dans le foyer.
— Eh bien, Rossini, lui avais-je demandé, que pensez-vous de cela ?
— Ce que z’en pense ? avait répondu Rossini.
— Oui, que pensez-vous ?
— Eh bien, ze pense que, si mon meilleur ami m’attendait au coin d’oun bois avec oun pistolet, et me mettait ce pistolet sour la gorze en me disant : « Rossini, tou vas faire ton meillour opéra ! » ze le ferais.