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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/32

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

quoi la critique est devenue trop sévère. Et voilà pourquoi nous remettons l’artiste et ses œuvres à leur véritable place et dans leur véritable jour.

Nous dirons donc : il ne faut pas autant en vouloir à Delaroche de son adresse qu’il ne faut l’en féliciter. L’adresse de Delaroche est une partie organique, non-seulement de son talent, mais encore de son tempérament et de son caractère. Il ne fait pas le tour de son sujet pour savoir de quel côté il pourra le voir plus adroitement. Son sujet se présente tout d’abord ainsi à ses yeux, posé de cette façon-là ; et le peintre voudrait le faire autrement, que la chose lui serait impossible.

À côté de cela, tout ce que Delaroche peut mettre de conscience dans son œuvre, il l’y met. C’est encore un autre point de ressemblance qu’il a avec Casimir Delavigne ; seulement, il ne se vide pas comme lui jusqu’au fond ; il ne lui faut pas, comme à Delavigne, des amis pour reprendre la force et la vie ; — il est plus abondant : Casimir est malingre ; Delaroche n’est que quinteux.

Puis Casimir rapetisse, fait étroit, mesquin. Il traite le même sujet que Delaroche ; mais pourquoi le traite-t-il ? Non point parce que le sujet est gigantesque ; non point parce qu’il remue le cœur des masses, et secoue le passé d’un peuple ; non point parce que Shakspeare en a fait un drame sublime, mais parce que Delaroche en a fait une belle composition.

Aussi les quinze actes plus ou moins longs de Shakspeare deviennent-ils trois petits actes sous la plume de Casimir Delavigne ; aussi, du convoi du roi, de la scène entre Richard III et la reine Anne, de l’apparition des victimes entre les deux armées, du combat entre Richard III et Richemont, n’en est-il question aucunement.

Les trois actes de Delavigne n’ont pas d’autre but que d’arriver à faire un tableau vivant encadré par le manteau d’Arlequin du Théâtre-Français, représentant avec une scrupuleuse exactitude, et à la manière d’un trompe-l’œil, le tableau sur toile de Delaroche.