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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Je n’ai pas le temps.

— Oh ! mon petit Dumas ! faites-moi mon Vésuve. Je vous promets, si vous me le faites aujourd’hui, de le savoir demain.

— Encore une fois, je n’ai pas le temps.

— Que vous faut-il donc pour cela ?

— Ce qu’il me faut ?…

— Dix minutes !… tenez, c’est tout fait… Je vous en prie !

— Allez-vous-en au diable !

— Mon petit Dumas !…

— Allons, voyons.

— Est-il gentil !

— Donnez-moi une plume, de l’entre, du papier.

— Voilà !… Non, ne vous dérangez pas : je vais approcher la table… Tenez, êtes-vous bien comme cela, hein ?

— À merveille ! Maintenant, allez-vous-en, et revenez dans un quart d’heure.

— Oh ! qu’est-ce que cela vous fait que je sois là ?

— Je ne peux pas travailler quand il y a quelqu’un là. Mon chien lui-même me gêne.

Je ne bougerai pas, mon petit Dumas ! je ne dirai pas un mot ; je me tiendrai bien tranquille.

— Alors, mettez-vous devant la glace, boutonnez votre habit, prenez des airs sombres, et passez votre main dans vos cheveux.

— J’y suis.

— Et moi aussi.

Un quart d’heure après, le Vésuve faisait éruption dans le rôle de Laferrière, lequel s’en allait tout joyeux et tout fier.

Bonne race, au bout du compte, que cette race d’artistes ! un peu ingrate quelquefois ; mais notre ami Roqueplan n’a-t-il pas proclamé ce principe que « l’ingratitude est l’indépendance du cœur ?… »

Il y avait, dans ce temps-là, une chose dont on s’occupait énormément, comme on s’occupait alors de toute chose artistique.

Le roi Louis-Philippe donnait un bal costumé.