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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

CCXXIII

Les pérégrinations de Casimir Delavigne. — Jeanne Vaubernier. — De Rougemont. — Sa traduction du mot de Cambronne. — Première représentation de Teresa.— Les pièces longues et les pièces courtes. — Cordelier Delanoue et son Mathieu Luc. — Fermeture de la salle Taitbout, et arrestation des chefs du culte saint-simonien.

En même temps que l’Opéra-Comique répétait Teresa, le Théâtre-Français préparait une grande solennité.

Casimir Delavigne, Coriolan dramatique, après s’être réfugié chez les Volsques du boulevard, son Marino Faliero à la main, au lieu de tomber sous le poignard de M. de Mongenet, avait fait au Théâtre-Français une rentrée triomphale.

La fugue, au reste, n’avait été qu’une bouderie. Après l’immense succès de l’École des Vieillards, Casimir avait eu une espèce de chute : mademoiselle Mars n’avait pu soutenir la Princesse Aurélie, sorte d’imbroglio napolitain que tout le monde a oublié aujourd’hui, heureusement pour la mémoire de son auteur.

Puis la présence de Victor Hugo et la mienne au Théâtre-Français taquinaient Casimir Delavigne. Il comprenait bien que sa popularité n’était qu’une popularité politique : il n’avait ni la haute poésie de Victor, ni le mouvement et la vie de ma prose ignorante et incorrecte ; enfin, il se trouvait mal à son aise près de nous.

Il disait de moi une chose qui résumait bien sa pensée :

— C’est mauvais, ce que fait ce diable de Dumas ; mais cela empêche de trouver bon ce que je fais.

Donc, il avait émigré à la Porte-Saint-Martin parce que nous étions au Théâtre-Français, et, maintenant, il retournait au Théâtre-Français, parce que nous étions à la Porte-Saint-Martin.

Il y retournait avec une de ces œuvres mixtes, semi-classiques, semi-romantiques, qui n’appartiennent à aucun genre ; hermaphrodites littéraires qui sont aux productions de l’es-