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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/72

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

samment grand pour l’habitation, devenait bien étroit pour une fête.

Un bal, donné par moi, nécessitait trois ou quatre cents invitations ; et le moyen de tenir à trois ou quatre cents dans une salle à manger, un salon, une chambre à coucher et un cabinet de travail ?

Heureusement, j’avisai, sur le même palier, un logement de quatre pièces, non-seulement libre, mais encore vierge de décoration, — à part les glaces qui étaient placées au-dessus des cheminées, et le papier gris bleu qui tapissait les murs.

Je demandai au propriétaire la permission d’utiliser ce logement au profit du bal que je comptais donner. Cette permission me fut accordée.

Maintenant, il s’agissait de décorer l’appartement.

C’était l’affaire de mes amis les peintres.

À peine surent-ils le besoin que j’avais d’eux, qu’ils vinrent m’offrir leurs services.

Il y avait quatre pièces à peindre ; on se partagea la besogne.

Les décorateurs étaient tout simplement Eugène Delacroix, Louis et Clément Boulanger, Alfred et Tony Johannot, Decamps, Granville, Jadin, Barye, Nanteuil, — nos premiers artistes enfin.

Les Ciceri se chargeaient des plafonds.

Il s’agissait de tirer un sujet d’un roman ou d’une pièce de chacun des auteurs qui seraient là.

Eugène Delacroix se chargea de peindre le roi Rodrigue après la défaite du Guadalété, sujet tiré du Romancero, traduit par Émile Deschamps ; — Louis Boulanger choisit une scène de Lucrèce Borgia, — Clément Boulanger, une scène du Sire de Giac ; — Tony Johannot, une de Cinq-Mars ; — Decamps promit un Debureau dans un champ de blé émaillé de coquelicots et de bluets ; — Granville prit un panneau de douze pieds de long sur huit de large, où il s’engagea à reproduire toutes nos charges dans un tableau représentant un orchestre de trente ou quarante musiciens, les uns froissant des cymbales, les autres secouant des chapeaux chinois,