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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/94

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Ah !… Que vouliez-vous voir ?

— Madame mère.

Et, alors, elle raconta ce triple désir qui l’amenait en Italie : voir Madame mère, une éruption du Vésuve, et le carnaval de Venise.

Le secrétaire écouta ce grand enthousiasme sans rien dire ; mais, le même soir, il raconta ce qu’il avait entendu à la mère de César.

Celle-ci sourit, se rappela les deux beaux enfants qu’elle avait salués dans le jardin de la villa Borghèse, et demanda qu’ils lui fussent présentés le lendemain.

Le lendemain, tous deux étaient introduits dans la chambre à coucher de Madame mère ; c’était là que l’illustre aïeule se tenait habituellement.

— Venez ici, mon enfant, dit madame Laetitia en faisant signe à la jeune femme d’approcher, et dites-moi pourquoi vous désiriez tant de me voir.

— Mais parce qu’on dit que les fils ressemblent à leur mère.

Madame Lætitia sourit à cette charmante flatterie, plus charmante encore dans une bouche de dix-sept ans.

— Alors, répondit-elle, je vous souhaite un fils, madame !

— Mauvais souhait, princesse : j’aime mieux une fille.

— Et pourquoi cela ?

— Que voulez-vous qu’on fasse d’un garçon, depuis que l’empereur n’est plus là pour lui mettre un sabre ou une épée au côté ?

— Ayez toujours un fils, et il y aura peut-être un Napoléon sur le trône, au moment où ce fils sera en état de servir.

Étrange prédiction réalisée ! madame Clément Boulanger a eu un fils ; ce fils a aujourd’hui vingt-deux ans, et est employé, sous un Napoléon, au ministère d’État.

Quelques jours après, invitée aux soirées de la reine Hortense, madame Clément Boulanger valsa pour la première fois, — jeune fille, elle n’en avait jamais eu la permission ; jeune femme, elle n’avait pas encore eu le temps de le faire ; — madame Boulanger, disons-nous, valsa, pour la première fois, avec le prince Louis.