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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/34

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toujours chancelantes. Bientôt on en venait à des questions plus intimes, et le forgeron, étendant ses larges mains noires, énonçait les éléments de sa prospérité. On jetait quelques mots ironiques sur les Dué de la magistrature, avec leurs filles minces comme des cierges, dont elles avaient la couleur, et les fils maigres qui s’usaient dans l’étude. Alors venait le mot préparé par l’homme fort. Il disait :

— Quand me donnes-tu ta fille, imbécile ?

Il affectionnait ce ton familier et dédaigneux.

L’autre, astucieux en son âme d’ivrogne, bredouillait quelques mots indistincts.

— Allons ! tu sais bien que je saurai la rendre heureuse.

— Bien sûr ! Bien sûr !

— Il n’y a même que moi qui sois capable de ça. Ces jeunesses, ça rêve un tas de choses. Un mari jeune la laisserait cultiver ses désirs de gosses et puis un jour… crac…

Il n’expliquait pas ce « crac ». Cela pouvait dire que le mari serait trompé, mais tout aussi bien qu’il serait assassiné ou même qu’il la tuerait.

Le père répétait : « crac », et il hochait les épaules avec tristesse. D’ailleurs il n’avait rien compris et esquissait seulement des rites de politesse.

— Alors, quand me la donnes-tu ?