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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/106

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voyage, aucun nouvel incident ne se présenta. Doña Jesusita, presque toujours morne et abattue, se livrait par moments à des accès d’une gaîté étrange et qui m’épouvantait. Rien, si ce n’est sa beauté, ne me rappelait plus en elle cette jeune femme au regard si doux et si calme, au maintien si placide et si virginal, qui était montée avec moi en diligence à Mexico.

Nous venions de dépasser Manantial, village situé à environ deux lieues de la Vera-Cruz, il faisait une chaleur étouffante, et les chevaux n’avançaient que péniblement dans un chemin brûlant et sablonneux ; tout se taisait dans la nature. Le sénateur Moratin et doña Lucinda Flores, accablés par cette température de fournaise, dormaient d’un lourd sommeil. Doña Jesusita, dont le regard vague et fixe en même temps décelait de graves pensées, sembla sortir d’un songe et m’adressa tout à coup la parole :

— Señor, me dit-elle, je ne sais qui vous êtes…, mais vous me semblez loyal…, et puis vous le connaissez… Écoutez-moi, je vous en conjure, sans m’interrompre, et ne me répondez pas après m’avoir entendue… Si jamais vous le revoyez, dites-lui que je me retire dans un couvent… parce que je l’aime, lui, entendez-vous ?… parce que je l’aime, et qu’il a besoin que l’on prie pour son salut.