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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/112

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vivre sans manger, mais je suis on ne peut plus certain qu’il ne pourrait vivre sans jouer. Du reste, cette passion s’explique très-bien chez lui par une suprême paresse que trouble continuellement, et sans jamais la vaincre, une extrême cupidité.

Lorsque j’arrivai à Cosala[1], cette ville était partagée en deux camps de joueurs, dont le premier avait pour chef une espèce d’Indien métis nommé Tecualtiche, et le second un Mexicain pur sang du nom de Cota. Ce Tecualtiche, qui, à défaut de nom propre, se contentait de celui de son village, était arrivé un beau matin à Cosala monté sur un âne maigre et boiteux, et n’ayant pour tout habillement qu’une vieille couverture de laine trouée à faire envie au doyen des manteaux de l’université de Salamanque. Sa fortune, négligemment renfermée dans le coin d’un mouchoir de coton qui lui tenait lieu en même temps de secrétaire et de chapeau, se composait de quelques réaux suspects et d’une piastre dont on n’eût pu mettre en doute que le poids légal, sa couleur terne prouvant déjà sans réplique qu’elle était de zinc et de plomb. Quant à l’âne qui lui avait servi à faire son entrée dans la ville, il fut, peu de jours après, réclamé par un marchand de fruits, son légitime propriétaire.

Par un hasard assez singulier et que nous n’avons

  1. Ville du département de Sinaloa, située à environ 400 lieues de Mexico.