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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/129

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prendre à parler espagnol, avait préféré inventer une langue incroyable, impossible, une langue à lui, qui ne ressemblait à rien, pas même au latin des apothicaires de Molière, et dont il se servait cependant, grâce à l’intelligence de ses auditeurs, avec un tel succès, que parfois il se frottait les mains, d’un air triomphant et me disait avec un glorieux sourire : « Comme mes amis de la rue des Bourdonnais seront étonnés en m’entendant parler castillan ! »

C’était surtout lorsque quelques jeunes et jolies rancheras[1] venaient faire leurs emplettes, que mon ami M. S… se livrait à ses merveilleuses improvisations : il finissait alors par parler une langue tellement extravagante, qu’il aurait eu besoin d’un interprète de lui pour lui. Quant à moi, je ne manquais jamais dans ces occasions de rester au magasin, afin d’assister à ces étranges et énigmatiques dialogues qui eussent fait pâlir le sphinx d’envie et de confusion. J’en étais ainsi arrivé à connaître toutes les femmes de Cosala. Parmi elles j’avais remarqué, et qui n’en eût fait de même ? une jeune fille de seize à dix-sept ans, native de Culiacan et d’une incroyable beauté. C’était

  1. Fermières, ou, pour mieux dire, habitantes des campagnes.