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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/131

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déverse sur sa propre personne toutes les attentions et toutes les délicatesses qu’un Européen aurait pour sa maîtresse, et devient vis-à-vis soi-même d’une prévenance et d’un dévouement à toute épreuve. Capable des plus grands sacrifices pour satisfaire ses moindres désirs, il aliène, sans remords, sans ressources futures pour son bien-être du moment, et mène héroïquement une vie tissée de soie et d’or. Chevaux de prix, luxueux vêtements, selles brodées à jour comme une guipure, armes brillantes, chère splendide, rien ne lui coûte pour prouver la sincérité de sa passion. Désire-t-il un fruit étranger à la zone qu’il habite, il envoie aussitôt un courrier extraordinaire avec ordre de se le procurer à prix d’or ; puis le courrier de retour, lorsque déjà son envie est passée, c’est à peine s’il daigne toucher du bout des lèvres ce fruit dont le prix eût défrayé l’existence d’un lepero pendant une année ; enfin il le jette dédaigneusement et presque intact devant sa maîtresse, qui ne peut s’empêcher de dire : « Ah ! que caballero tan fino ! » Quel cavalier accompli !

Le Mexicain, en proie à une passion violente et non partagée, se trouve donc être le plus heureux des hommes alors qu’un Européen se livrerait naïvement au désespoir. La tristesse est chez lui le signe du succès.