Aller au contenu

Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eût coûté la vie ; car les cornes du tore prieto, comme l’appelait la foule, passèrent à peine à quelques lignes de son corps. Un duel étrange et admirable s’engagea alors entre le cavalier et le taureau. D’un côté la ruse et l’adresse développées jusqu’à la science, de l’autre tout ce que ta férocité et l’instinct de la destruction comportent d’impétuosité farouche et désordonnée ! En moins de dix minutes, vingt attaques à fond furent vingt fois évitées, grâce à un sang-froid, une adresse et une facilité incroyables, au grand ébahissement des spectateurs. La foule haletante, en proie à un plaisir sans nom, demeurait silencieuse et sans applaudir : l’émotion l’étouffait. Quant à moi, ce qui me frappait le plus vivement, dans cet étrange et merveilleux combat, c’était le sang-froid, ou, pour être plus exact, l’indifférence qu’y apportait le lepero. On eût dit un homme dégoûté de la vie, qui recherchait la mort et fuyait cependant à son approche, ainsi que le bûcheron de la fable, par suite d’un instinct de conservation plus fort que sa volonté. — Cette scène de capotea ne pouvait durer plus longtemps, mais j’étais loin de songer à l’incident qui vint la terminer. Cet incident fit pousser un cri d’admiration et d’étonnement tellement spontané à la foule, qu’on eût pu le prendre, à quelque distance, pour un éclat de tonnerre : le lepero abandonnant