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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/247

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— Et depuis lors qu’avez-vous fait ?

— J’ai aimé et j’ai souffert, car je me suis aperçu que si la señorita Annette n’éprouvait aucun tendre sentiment pour moi, son indifférence provenait d’une autre affection qui remplissait son cœur… J’ai honte de vous l’avouer… elle chérit cet affreux Américain auprès duquel vous étiez assis tout à l’heure à table… Ce Kentukien, nommé John Bell, doit l’épouser sous peu… et cependant que n’ai-je pas tenté pour lui plaire, à cette Annette ? J’ai dépensé follement, sans plaisir, en quatre mois, la presque totalité de mes 500 onces d’or… je voulais lui montrer qu’elle avait affaire à un caballero ! J’ai répudié mon costume de Gambusino pour m’affubler des plus belles toilettes du monde, pour revêtir la livrée des batteurs du pavé des villes… Elle ne m’a tenu compte de rien… et penser que c’est à sa sotte préférence pour ce John Bell que je dois la perte du placer du Sacramento ! Après tout, qui sait ? Peut-être le sort de ce John Bell sera-t-il si malheureux, qu’au lieu de le haïr, je serai forcé de le plaindre…

L’amertume railleuse avec laquelle le Gambusino prononça ces derniers mots me fit réfléchir. Je connaissais trop bien les habitudes et le caractère de ces hôtes indomptables du désert pour ne pas savoir que chez eux l’action touche à la pensée. Seulement les