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Page:Duplessis - Le Batteur d'estrade, 5, 1856.djvu/9

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Qui es-tu ? demanda-t-il à son adversaire gisant à ses pied ?

compromis qui aura eu lieu entre nous, à garder toujours un inviolable secret sur votre passé.

Joaquin Dick se tut et attendit.

M. de Hallay, malgré sa force de caractère, était vivement impressionné, profondément ému.

— Et quelle garantie me donneriez-vous, si j’acceptais votre proposition, que vous exécuteriez fidèlement votre promesse ?

Le doute émis par le marquis produisit un incroyable effet sur Joaquin Dick ; une rougeur éclaira ses joues ainsi que le reflet d’une flamme, et son visage prit une indicible expression de fierté hautaine et d’imposante majesté.

— Je ne connais aucune garantie préférable à celle de ma parole d’honneur, monsieur de Hallay, répondit-il avec une lenteur pleine de dédain, et je suis tout disposé à vous l’engager. Du reste, si votre commerce prolongé avec des aventuriers et des bandits a tué en vous la foi et la confiance dans le serment, cette dernière croyance des gentilshommes, même les plus déshonorés et les plus avilis, je suis prêt à vous offrir toutes les sécurités possibles. Je vous livrerai quotidiennement l’or qui devra payer la liberté d’Antonia !… Toutefois, laissez-moi vous rappeler une circonstance que vous semblez avoir oubliée… Lorsque je vous rencontrai dans la forêt Santa-Clara, vos intentions m’étaient déjà connues, et rien ne m’aurait été plus facile, si je l’avais voulu, que de me débarrasser alors de vous… Or, vous me devez cette justice que, non-seulement je vous ai épargné, mais encore que je vous ai protégé !…

— C’est vrai, señor, et vous avez eu tort.

— Non, monsieur, je n’ai pas eu tort, et ce serait à recommencer que j’agirais encore de même. Je n’ai jamais, de ma vie entière, versé du sang humain pour de l’or, même pour conserver le mien quand on a voulu me le voler ! Je puis avoir des violences et des injustices à me reprocher, mais aucune infamie n’entache mon passé. Si, accablé par des remords que vous ne sauriez comprendre, je m’incline pleurant et repentant devant Dieu, j’ai au moins le droit de lever la tête devant les hommes. Mon cœur est saignant, mais mon front est sans rougeur. Et tenez, voici que vous avez déjà honte de votre méfiance ! vous n’osez plus me regarder en face. Maintenant que vous ne doutez plus de ma parole, j’attends votre décision !… Que choisissez-vous de la fortune ou de la misère, de la mort ou du salut ?…

L’hésitation de M. de Hallay fut suprême, mais de courte