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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/263

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cherchant quel nouvel accident était survenu, elle ne savait à quoi rattacher les paroles de Louis.

— Les restes du beau Guillaume et de plusieurs autres ! reprit le fou, qui ne pouvait trouver des mots assez acérés, assez envenimés. Voyons, combien as-tu donc eu d’amants avant que tu ne m’aies choisi pour être la perle de ta collection ?

Le sang se retira du visage de la jeune fille pour faire place à une pâleur mortelle. Et le mouvement de la pauvre enfant fut généreux comme toujours : Oh ! s’écria-t-elle, que t’a-t-on fait encore pour te tourmenter et te tourner la tête ? Ainsi elle l’excusait, le défendait contre lui-même et ne voulait même pas s’occuper de sa propre blessure.

— Il serait temps, ajouta-t-il aiguisant son accent de l’ironie la plus impitoyable, la plus tranchante, il serait temps d’aller enfin rejoindre le beau Guillaume, ma chère amie ; il t’attend, vous êtes faits depuis longtemps l’un pour l’autre, et, en vérité, il doit être fort malheureux, fort privé…

Ce n’était pas seulement contre Lévise que Louis ressentait une rage profonde, mais contre le sort qui avait détruit si vite le bonheur complet, radieux, qu’il avait apporté, contre tous ces ennuis, ces peines survenues à l’improviste, et malheureusement la jeune fille était le seul objet sur qui pût s’exercer à coup sur cette rage, cette rancune.

Ces traits de Lévise se couvrirent d’une teinte lugubre, et il semblait que la souffrance s’y précipitait par une fissure cachée et labourait ses chairs à la façon d’un acide.

Cette vue fit mal à Louis malgré l’insensibilité que produit la torture personnelle.