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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/315

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qui avait soutenu Lévise, s’abattait sur elle. Elle entendit encore ces abominables mots dont elle n’avait pu parer la cinglante lanière, elle voyait grandir et revenir cette haine des paysans contre laquelle il n’y avait pas d’abri ni de défense, il lui semblait que ces gens acharnés rendus effrayants par la lueur fantastique des torches montaient à l’assaut de la fenêtre, étendaient leurs mains sur elle ; ses dents claquaient, elle tremblait. Du silence et de l’obscurité, elle s’attendait que de nouveaux cris allaient jaillir. Elle ne savait où fuir assez loin pour se débarrasser de ces images, de ces échos. Louis lui apparaissait comme un être séparé d’elle, qui ne pouvait rien. Elle avait froid, elle avait honte, elle n’avait plus d’espoir. Elle croyait que la nuit ne finirait plus. Elle ne croyait plus à rien de favorable.

— Est-ce qu’ils t’ont fait du mal ? s’écria Louis venant à elle et lui mettant la main sur l’épaule ; qu’as-tu donc ? voyons, je suis là !

— Ah ! c’est trop, c’est trop ! dit faiblement Lévise.

— Et je n’ai pas pu étre là ! reprit Louis en revenant au capitaine, vous m’avez stupidement enfermé quand j’aurais dû casser la tête à ces misérables et les chasser comme des loups. Vous laissez cette malheureuse enfant seule devant eux, lorsqu’elle n’a que moi pour la protéger ! vous êtes une brute comme eux. On aurait pu la tuer, la frapper, on l’a insultée, et tandis que je pouvais leur faire payer leur infamie, les écraser, vous m’en empêchez !

— Eh ! répliqua le capitaine, je l’ai fait dans votre intérêt et je ne m’en repens pas. Croyez-vous, d’ailleurs, que cela m’amuse ? Au nom de Dieu, partez donc, que nous n’entendions plus parler de vous ! Nous en avons tous par dessus la tête.