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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/325

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sans bornes, il courut de toute sa force vers la maison de Volusien, il se figurait qu’une forme, une ombre le poursuivait.

Volusien éprouvait une terreur égale. Le remords de n’avoir point préservé sa sœur lui montrait la jeune fille renversée à terre et couverte de sang. Lui aussi, il croyait sentir derrière lui le souffle de Lévise qui courait à sa poursuite avec son trou rouge à la poitrine et lui disait : Pourquoi ne m’as-tu pas sauvée ! toi qui m’avais permis d’être dans cette maison.

Les deux braconniers tombèrent chez eux comme des rochers qui roulent du haut d’une pente, et ils fermèrent leur porte à clef et au verrou pour se barricader contre ces fantômes de leur esprit en désordre. Ils écoutèrent, haletants, fous. Cette épouvante d’une punition mystérieuse et surnaturelle se calma, et ils essayèrent de compter aussitôt avec leur conscience, d’envisager le plus ou moins de justice de ce qui venait d’être fait. Mais la pensée que sa sœur était morte devant lui et qu’il aurait pu lui conserver la vie, la pensée que si elle était morte, c’était lui qui avait laissé faire, et qu’il ne voulait pas cependant sa mort, accabla Volusien. Il se dit qu’il s’était laissé aveugler par son compagnon, qu’il n’avait pas mesuré une seule fois la portée de l’action. Il fut pris d’une grande haine contre Guillaume, mais de cette haine d’un être qui a peur de ce qu’il hait. L’idée d’une expiation méritée le saisit aussi.

— Guillaume, s’écria-t-il, tu es un brigand ! si nous mourons sur l’échafaud, nous l’aurons mérité !

Le beau Guillaume se raidissait et luttait avec lui-même pour se justifier, pour chasser l’horreur qui le tourmentait. Il avait accompli son œuvre, il avait fait justice, pensait-il ; pourquoi s’en repentirait-il ? pourquoi,