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Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/183

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D’UNE COCODETTE


la vie. Ici, ma chère, je vais probablement vous étonner. En matière d’amour, je suis de l’opinion d’un écrivain de grand mérite que vous devez connaître au moins de nom : je veux parler de La Bruyère. « Il faut juger les femmes, dit-il, depuis la chaussure jusqu’à la coiffure exclusivement, à peu près comme on mesure le poisson entre la queue et la tête. » Cela veut dire en langage vulgaire que, lorsqu’on est un homme de bon sens, on ne doit attendre des femmes ni cœur, ni esprit, ni caractère, ni bonté, ni intelligence, ni bons procédés, ni raison, qu’on n’est en droit d’exiger d’elles que la beauté.

Et, en effet, quand la beauté d’une femme vous est sympathique, elle vous rapporte toujours assez de plaisirs. Ne serait-on pas fou de demander de l’esprit à une rose ; d’exiger qu’une pêche, ou tout autre beau fruit, eût de la raison ; d’attendre du cœur d’un flacon de bon vin ? Non. Pourvu que la pêche ait toutes les qualités d’un excellent fruit, que la chair en soit savoureuse et parfumée ; pourvu que l’odeur de la rose flatte notre odorat, que sa vue réjouisse nos yeux ; pourvu enfin que le vin soit suffisamment excitant, agréable à notre palais, nous n’avons pas l’idée de leur demander autre chose. Chacun de ces objets nous a-t-il procuré un moment de plaisir, malheureusement trop fugitif, nous sommes satisfaits.

Il en est, il doit en être de même de la femme.