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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/156

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La Guigne


La pauvresse était veuve, et, son homme défunt
La laissant sans enfant, elle en eut un d’emprunt.
Pauvre comme elle était, l’humble et vaillante femme
Trouva de quoi nourrir ce corps, d’aimer cette âme.
Vous l’avez deviné, ce présent opportun
N’était ni plus ni moins que la Guigne, Madame.

La vieille la gâta (se peut-il autrement ?),
La gâta même trop. À douze ans, la gamine
Prenait des airs coquets, boudait, faisait la mine.
Oiseau précoce, l’aile ouverte au battement,
Ces chants prématurés appellent la famine !
Mais la mère adorait ce doux gazouillement !

Et, loin d’utiliser les bras de la petite,
S’en allait brouettant, caduque et décrépite,
Ramasser les chiffons aux bornes des chemins.
« C’est pitié de noircir ces adorables mains !
Disait-elle aux voisins qui lui rendaient visite ;
Plus tard ! » Ainsi passaient les jours, les lendemains.

Et l’enfant grandissait, oisive et turbulente.
Chaque matin aussi, dans sa marche plus lente,
Plus faible, plus cassée au travail, la Mathieu