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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/111

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— Dans l’atelier, répondit sa femme, en faisant un geste de la tête vers la porte close.

— Le fait est, monsieur, reprit Cohen, que nous ne savons pas ce qu’il a depuis deux jours. Il est constamment ce que je puis appeler un peu touché, vous savez, — ici Cohen porta le doigt à son front, — pas aussi raisonnable en tout comme vous et moi ; cependant, il est étonnamment régulier et industrieux, autant que peut l’être une pauvre créature souffreteuse, et il prend plaisir à instruire le petit. Mais, depuis deux jours, il n’a fait qu’aller et venir comme un somnambule, ou bien il est resté assis, immobile comme une figure de cire.

— Pauvre cher garçon ! dit tendrement la mère, c’est la maladie ; je doute qu’il y résiste.

— Non, je crois seulement qu’il a quelque chose en tête, dit madame Cohen la jeune. Il écrivait continuellement, et quand je lui parlais, il mettait très longtemps à me répondre.

— Vous nous trouverez peut-être un peu faibles, dit M. Cohen en façon d’excuse ; mais ma femme et ma mère ne voudraient pas se séparer de lui, fût-il encore d’une plus grande gêne. Ce n’est pas que nous ne connaissions le fort et le faible des choses, mais c’est notre principe. Il y a des fous qui font des affaires à perte et qui ne s’en doutent pas. Je ne suis pas de ceux-là.

— Oh ! Mordecai apporte la bénédiction avec lui, dit la grand’mère.

— Loin de m’étonner de ce que vous ressentez, dit Deronda, j’éprouve quelque chose de semblable moi-même. J’ai causé avec lui dernièrement dans la boutique de M. Ram, et je lui ai promis de venir le chercher ici pour sortir ensemble.

— C’est cela alors ! s’écria Cohen en se frappant sur le genou. Il vous attendait, et voilà ce qui l’occupait si fort.