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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/112

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Sans doute, il vous aura parlé de son savoir ? C’est bien gentil de votre part, monsieur, car je ne crois pas qu’il y ait beaucoup à gagner ; sans cela, il n’en serait pas réduit à l’état où il est. Mais j’aperçois quelqu’un dans la boutique !

M. Cohen s’empressa de sortir, et Jacob, qui était demeuré à écouter auprès de Deronda, lui dit avec une obligeante familiarité :

— Je vais appeler Mordecai, si vous voulez.

— Non, Jacob, dit sa mère, ouvre la porte à monsieur, et laisse-le y aller tout seul. Silence ! Ne fais point de bruit.

L’adroit Jacob tourna le bouton de la porte aussi doucement que possible, et Deronda, qui le suivait, s’arrêta sur le seuil. La petite chambre n’était éclairée que par un feu mourant et une chandelle couverte d’un abat-jour. Sur une planche fixée devant la fenêtre, étaient éparpillés différents objets d’orfèvrerie ; derrière, on voyait quelques livres empilés dans un coin. Mordecai était assis sur une chaise haute devant cette espèce d’établi ; il tournait le dos à la porte, les mains appuyées devant lui, à côté d’une montre en réparation. On voyait qu’il était dans un état d’attente aussi maladif que celui d’un prisonnier auquel on a promis sa délivrance.

— Je viens vous chercher ; êtes-vous prêt ? lui demanda Deronda.

Instantanément il se retourna sans parler, saisit son chapeau et se leva pour rejoindre son ami. À peine furent-ils dans le parloir, que Jacob, remarquant le changement d’air et d’expression de Mordecai, lui prit le bras et lui dit :

— Regarde mon bilboquet ! et, en même temps, il lui envoya la boule tout près de la figure.

— Très joli, très joli ! fit Mordecai avec un bon sourire ; et, sur l’observation de madame Cohen la jeune, qu’il oubliait son paletot et son cache-nez, il retourna dans l’atelier les chercher.