Aller au contenu

Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Le voilà revenu à la vie, vous voyez, dit à voix basse M. Cohen, qui était rentré. Je vous l’avais bien dit ; j’ai toujours raison. Puis, de sa voix habituelle :

— Eh bien, monsieur, nous ne voulons pas vous retenir davantage ; mais j’espère que ce ne sera pas la dernière fois que nous aurons le plaisir de vous voir.

— Reviendrez-vous ? demanda Jacob en s’avançant. Vous voyez, j’attrape déjà la boule quelquefois ; je parie que, quand vous reviendrez, je l’attraperai à tous les coups.

— Il a les mains adroites, dit Daniel en regardant la grand’mère. De quel côté de la famille tient-il ?

La vieille fit un signe de tête à son fils, qui répondit aussitôt :

— De mon côté. Ils ne sont pas ainsi dans la famille de ma femme. Les miens, que Dieu les bénisse ! sont aussi adroits que s’ils avaient des mains en gutta-percha.

« Je ne saurai jamais rien de décisif sur ces gens, se dit Deronda, à moins que je ne demande à brûle-pourpoint à Cohen s’il a perdu une sœur nommée Mirah quand elle avait six ans. » Toutefois cela ne lui parut pas facile. Sa première sensation répulsive pour leurs manières communes commençait à se transformer en un sentiment plus favorable. Quelque ordinaires que pussent être leur air et leur parler, il était forcé d’admettre un certain raffinement moral dans la façon dont ils traitaient leur ouvrier poitrinaire, dont la distinction mentale les impressionnait, surtout à cause de sa rêverie silencieuse et innocente.

— Les Cohen paraissent avoir de l’affection pour vous, dit Deronda, lorsque Mordecai et lui furent dans la rue.

— Et moi pour eux, répondit-il immédiatement. Ils ont le cœur israélite, quoique, semblables au cheval et au mulet, ils ne comprennent rien en dehors de l’étroit sentier qu’ils suivent.

— Je crains de vous avoir occasionné du malaise par ma