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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/147

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voir arriver et lui souhaiter la bienvenue. Son oncle alla jusqu’à la porte pour lui tendre la main, et elle sauta de son cheval avec un air de vivacité qui aurait pu faire croire qu’elle était heureuse ; car ce jour-là elle était bien décidée à tranquilliser sa mère, et la sensation de liberté — sensation peu habituelle — qui lui avait permis de faire cette visite seule, la rendait capable de se montrer enjouée, malgré la pression des faits pénibles qui se représentaient à nouveau chaque jour. Les sept baisers de famille qui l’accueillirent ne lui parurent pas aussi fastidieux que d’habitude.

M. Grandcourt étant sorti seul, j’en ai profité pour venir vous voir, maman, dit-elle en ôtant son chapeau et en allant s’asseoir auprès de sa mère, et pour vous gronder, ajouta-t-elle en la regardant d’un air de menace souriante, de ne pas avoir sur la tête une plus jolie dentelle. Vous ne pensiez pas que je viendrais, et que je le verrais, chère mère, si insouciante pour vous-même.

Légère caresse alors sur la tête maternelle.

— Gronde-moi, ma chérie, dit madame Davilow dont la figure flétrie rougit de plaisir ; mais je voudrais avoir à t’offrir quelque chose que tu puisses manger, après ta course à cheval, au lieu de ces restes. Jocosa va te préparer une tasse de chocolat comme tu l’aimes.

Miss Merry se leva aussitôt et sortit, quoique Gwendolen se fût écriée :

— Non, non ! Seulement un morceau de pain, ou un de ces biscuits. Je n’ai pas faim. Je ne suis venue que pour vous dire adieu.

— Quoi ! Retournez-vous à Ryelands ? demanda M. Gascoigne.

— Non. Nous allons à Londres, répondit Gwendolen en rompant un morceau de pain qu’elle ne porta pas à sa bouche.