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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/153

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Pas un effort pour reconquérir sa liberté qui n’amenât pour elle de nouvelles et de plus fortes humiliations. Outre le remords, le pire résultat de son mariage, à ce qu’il lui semblait, était l’obligation de se donner en spectacle, et son humiliation devenait encore plus grande à la pensée que madame Glasher en connaissait la cause ; car Gwendolen n’avait jamais fait aucune allusion à l’entrevue des Pierres-Parlantes amenée par l’entremise de Lush.

Quant à Grandcourt, il ne pouvait s’imaginer d’une façon complète de quelle manière les choses affectaient Gwendolen. Il ne voyait en elle que ce qui pouvait satisfaire sa propre volonté ; mais, sur ce point, il avait la sagacité qui approche de la divination. Il n’était pourtant pas infaillible dans les jugements qu’il portait sur cette femme qui se laissait gouverner par des puissances chimériques n’existant pas pour lui. Il faisait grand cas de sa résistance interne, mais cela ne diminuait en rien le plaisir qu’il éprouvait à la dominer.

Le couple Grandcourl fut donc installe dans Grosvenor square à temps pour recevoir une lettre d’invitation à la soirée musicale de lady Mallinger. Cette soirée devait avoir lieu trois jours après leur arrivée à Londres, et Gwendolen mit assez d’indifférence à passer la revue de sa nouvelle résidence, de ses meubles, de ses curiosités, préoccupée qu’elle était par la certitude de reparler à Deronda et aussi de voir cette miss Lapidoth, qui déjà avait été si éprouvée et « qui était capable de se soumettre à tout ce qu’elle considérait comme un devoir ». Car Gwendolen se souvenait de chaque mot qu’avait prononcé Daniel sur Mirah, et surtout de cette phrase qu’elle se répétait à elle-même avec amertume, sachant bien que sa soumission, à elle, était bien différente et ne ressemblait en rien à un devoir.

Les salons de Park Lane ne contenaient pas trop d’invités